Si la montée des résistances est devenu un tel problème de santé publique, c'est aussi parce que l'arsenal d'antibiotiques à la disposition du corps médical ne se renouvelle plus guère. Au début des années 1970, on disposait de 11 classes d'antibiotiques aux mécanismes d'action différents. Mais, au cours des trois dernières décennies, seules deux nouvelles classes d'antibiotiques ont été lancées et le nombre de molécules en développement véritablement innovantes est extrêmement faible : un recensement de l'ensemble des pipe-lines de l'industrie pharmaceutique réalisé en 2009 n'avait permis d'identifier que deux molécules agissant sur de nouvelles cibles. Et depuis, peu de molécules vraiment novatrices ont été commercialisées (Teraflo d'Astra-Zeneca ou Fidaxomicin d'Optimer Pharmaceuticals).
De fait, les laboratoires pharmaceutiques ont largement abandonné ce domaine : de 18 en 1990, ils seraient passés à 5 seulement en 2009. Et les sociétés de biotechnologie n'ont que très partiellement pris le relais. Plusieurs facteurs expliquent cette désertion. « Tout d'abord, les antibiotiques ne sont pas rémunérateurs », explique Philippe Gehin, directeur de la stratégie d'AstraZeneca en France. Selon les travaux de la société de conseil britannique Office of Health Economics (OHE), la valeur nette actualisée des antibiotiques est, par exemple, trois fois moins élevée que celle des anticancéreux et plus de sept fois inférieure à celle des médicaments pour le système nerveux central. En effet, les traitements sont courts et les prix sont bas, car la plupart des antibiotiques commercialisés sont aujourd'hui des génériques. Enfin, les autorités de santé cherchent à limiter la prescription donc la taille du marché. « Difficile, dans ces conditions, de rentabiliser des efforts de R & D coûteux et difficiles » , conclut Philippe Gehin. L'identification de nouvelles molécules par les méthodes classiques de criblage à haut débit s'avère en effet particulièrement peu efficace. Ainsi, GSK, pourtant un des laboratoires les plus expérimentés en matière d'antibiotiques, aurait, selon OHE, un taux de succès de criblage trois à quatre fois inférieur à ce qu'il obtient dans d'autres domaines thérapeutiques.
Comment inciter les laboratoires à revenir ? Les idées ne manquent pas : soutien massif à la recherche fondamentale, obtention de prix élevés en contrepartie d'une prescription plus ciblée par recours systématique aux antibiogrammes, adoption pour les antibiotiques d'un statut permettant la prolongation des brevets (à l'image des médicaments), ou encore indemnisation du laboratoire si l'utilisation du produit est différée pour lutter contre de futures résistances. Il ne reste plus qu'à mettre la main à la poche.
jeudi 17 novembre 2011
Antibiotique : Mais que fait l'industrie pharmaceutique ?
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