Sanofi-Aventis a enfin réussi à trouver son ticket d'entrée sur la grande scène de la biotechnologie américaine. Mais évidemment, comme il ne restait pratiquement plus de place, le groupe a dû vider son portefeuille. Genzyme est une « grosse PME » d'un peu plus de 10.000 personnes et de 4 milliards de dollars de revenu. Pour mettre dans sa poche cette société dix fois plus petite que lui, le français va payer plus de 20 milliards de dollars, soit cinq fois son chiffre d'affaires. Il n'y a que dans l'Internet que l'on peut trouver des ratios aussi stupéfiants !
A cela, deux raisons : la cible vaut surtout par l'excellence de sa recherche et sa rareté. Il n'existe pratiquement plus sur le marché de grandes sociétés de biotechnologie à vendre. Elle ont toutes basculé dans le camp des « big pharma », à l'exception d'Amgen, seule société du secteur à être devenue elle-même un géant.
Au final, ce ne sont donc pas les innovateurs qui sortent gagnants de la bataille. Voilà le paradoxe de l'innovation pharmaceutique moderne. Les grands laboratoires, mangés par leur technostructure, paralysés par l'exigence des autorités sanitaires et la peur des patients, sont en panne d'innovation. Les grandes découvertes médicamenteuses sont derrière eux et les copieurs fabricants de génériques devant. Aucun d'entre eux n'a pu susciter en interne de grande rupture technologique. Celle-ci est venue des universités américaines avec la biotechnologie, fondamentalement différente de la chimie des pharmaciens.
Et pourtant, à la différence de l'informatique, cette révolution américaine retombe finalement dans les bras des acteurs en place. L'explication est simple : les coûts de développement, tests et marketing, des médicaments sont devenus tellement élevés qu'ils constituent une barrière infranchissable pour les nouveaux entrants et ont même conduit les grands laboratoires à fusionner pour grossir encore. Est-ce pour autant une défaite de la politique industrielle américaine, qui a déversé des centaines de milliards de dollars dans la recherche pour voir ses fleurons achetés par des Français, des Suisses ou des Britanniques ? Sanofi nous apporte la réponse. Un prix d'achat faramineux et la promesse d'un développement bien plus important du site de Boston que ce qu'il ne fera jamais en France. Plus des trois quarts de la recherche médicale mondiale s'installeraient désormais à côté des universités américaines. Le capital intellectuel ne se délocalise pas si facilement. L'esprit d'entreprise non plus.
Conclusion : la France (mais également l'Europe) est larguée.
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